Je ne suis pas un garçon très compliqué, non, vraiment. Les autres garçons, les trains, et la photographie, voilà qui suffit à combler ma pauvre petite vie. Je viens ici et là, en silence, un sourire aux lèvres ; curieux, distant. Parfois, je veux être comme le vent. Oui, insensible, froid, absent et puis, l’effet d’une claque, une bourrasque dévastatrice ! Sous la brise apparente et chaude, un blizzard ; une lame glaçante qui s’insinue, lentement, dans les esprits et dans le coeur. Je ris beaucoup, surtout quand je bois. L’insouciance me va si bien ! Je désire l’oubli, des voix mielleuses et suaves… Qu’on me prenne, qu’on me malmène, tout à la fois. Je sens que j’aime ça, la dérive, et le risque. Mon sang bout le long de mes veines, petit écorché vif que je suis. Je ne crains pas les coups, seulement les cris. Jeune, quelque fois paumé, un peu triste… Un gars pas si original. Seul avec sa mère. Amoureux éperdu de son meilleur ami. Lascif, langui, frustré.

Allez, viens, tu sais que tu en as envie. Je le vois dans tes yeux, là ; elle danse, la flamme du désir. Frêle, obsédante. J’écarte les lèvres, je me damne pour toi. Je ferai tout, je crois, pour un petit bisou. Mais je me contente de ta présence, et de tes silences. N’entends-tu pas mon coeur qui bat ? A mes oreilles, c’est une sacré cacophonie, un son discordant, lancinant. Le souffle saccadé, je lorgne du coin de l’oeil tes bras musclés, ton torse tanné, et puis, je me risque vers ta mâchoire… Alors, la nuit, quand je pense à toi, pauvre con, imbécile aveuglé, ma main vient frôler l’intérieur de ma cuisse. Presque par instinct. Vois ce que je deviens, réduit à de malheureuses branlettes, tel un adolescent. Ma folie, c’est de ne vouloir que tes lèvres pour me soulager.

Enfin, la nuit apparaît, tachetée d’ombres et d’espoirs vains. Je m’en vais pour boire un peu, et surtout, danser. Au nightclub gay de l’oncle, je me produis les vendredis et les samedis, 22:00 ; recoin assombri, quelques lueurs ici et là, assez pour qu’on discerne les courbes de mon corps ondulant. Les gouttes d’eau perlent à mes lèvres entrouvertes, relevées ; tel un Dieu banni, condamné à se déhancher, à prier, torse humide et doré.

Pris dans une frénésie de gestes et de mouvements, je parviens à oublier. Je ne vois même pas ces visages inconnus et indésirables. Je sens la musique, les vibrations ; mon organe fou furieux. Je cesse d’être cet enfant sans père, égaré ; ce garçon désespéré, jouant la comédie de la vie, entre ses études et puis… Pas grand chose, au final. Un louveteau dressé, queue pendante, yeux lassés ; j’envie les autres tout en les méprisant. Et brusquement je ris, à pleine gorge ! Un temps passe, et je fuis, je me dérobe. Je ne vois plus mes amis, et je me cloître. Pendant des jours, je me gave de musiques, d’images télévisées et de silences aussi. Jambes étendues contre le mur, une clope au bec, je contemple les fissures du plafond de ma chambre. Tranquille.